Panamarenko et ses contemporains - « Learn to imitate the flight of birds »

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Panamarenko-Noordzee pedalo 1994

Panamarenko et ses contemporains : Joseph Beuys, Marcel Broodthaers, Jef Geys, Hugo Heyrman, Bernd Lohaus et Bruce Nauman.

Panamarenko (1940-2019). Anvers, sa ville natale, a organisé une rétrospective. Divers autres musées belges s’engagent à placer l’artiste sur le devant de la scène de manière originale en 2020. Le Mu.ZEE gère plusieurs œuvres clés de Panamarenko, dont elle expose une sélection avec Learn to imitate the flight of birds, en dialogue avec les œuvres de Joseph Beuys, Marcel Broodthaers, Jef Geys, Hugo Heyrman, Bernd Lohaus et Bruce Nauman, entre autres.

Anvers, aux alentours de 1965. Panamarenko organise avec Hugo Heyrman une série d’actions et d’happenings de rue. Ces initiatives, baptisées Milkyway Happenings par Panamarenko, s’accompagnent de la publication du Happening News, une série de sept tirages composés de collages des deux artistes. Les collages et happenings sont indissociablement liés. Ces collages sont des documents issus de leur époque. Ils reflètent l’esprit rebelle des années 1960. Le monde s’oppose alors à l’ordre établi et mai 1968 donne un véritable élan à cette rébellion. Les manifestations pacifistes sont ça et là réprimées par la violence. Une course à l’espace effrénée se livre en même temps. L’univers devient brusquement « accessible ». Il ne s’agit plus de l’endroit où chacun peut placer ses rêves, car cet « espace libre » est désormais foulé et reniflé par des cosmonautes, des astronautes et un chien. Outre une grande fascination pour la culture pop américaine, Happening News reflète la passion dévorante de Panamarenko pour les sciences et techniques. Sur le tout premier collage publié par l’artiste dans Happening News, on peut lire : « Learn to imitate the flight of birds ». On y voit des oiseaux, un vélo pliant Raleigh, des calculs scientifiques complexes, des spationautes, une montgolfière… 

La police interrompt et met régulièrement fin aux Milkyway Happenings créés par Panamarenko et Heyrman. Inspirée par leurs actions, Anny De Decker inaugure en 1966 la galerie Wide White Space, qu’elle qualifie d’espace à créer pour laisser libre cours aux happenings. La première exposition s’ouvre avec un Milkyway happening ainsi qu’une œuvre plastique de Panamarenko, Hugo Heyrman et Bernd Lohaus. À la fin des années 1960 et dans les années 1970, Wide White Space devient un haut lieu de la scène artistique anversoise, et par extension des arts belges, et rassemble des artistes nationaux et internationaux. Panamarenko y fait la rencontre de Bernd Lohaus, mais aussi Bruce Nauman, Joseph Beuys et Marcel Broodthaers. 

Les Milkyway happenings marquent la quête originelle de Panamarenko artiste, astronaute, happy-space-maker et multimillionnaire. Sobrement vêtu d’un costume blanc, l’artiste apparaît en public et constate que son personnage est accueilli avec une grande aisance. À la fin des années 1960, Panamarenko renonce aux happenings pour se concentrer exclusivement sur ses recherches en cours. Il jure toutefois fidélité à l’identité qu’il s’est créée. Il troque peu à peu son costume de multimillionnaire contre une panoplie de militaire. Il se pare désormais d’un costume qui rappelle celui de l’armée russe, coiffé d’un képi orné de cinq étoiles. L’art se vit. L’attitude nourrit tout autant l’imaginaire que les actions et les œuvres d’art elles-mêmes. 

Panamarenko est surtout connu pour ses diverses embarcations fantastiques, ses véhicules et engins volants sortis tout droit de son imagination. Les machines qu’il invente symbolisent la créativité humaine et constituent un levier pour les rêves individuels. Il en résulte une poésie bricolée. Ce n’est pas leur fonctionnement qui le captive, mais bien leur « intention » et leur « potentiel ». C’est lorsqu’il est impliqué dans le processus de construction qu’il est le plus heureux, bien loin de toutes les questions sur la faisabilité et la réalisabilité. 

L’un des plus grands rêves de Panamarenko est de pouvoir voler comme les oiseaux. « Learn how to imitate the flight of birds. » Entre 1984 et 1986, il crée plusieurs modèles de sacs à dos volants, en s’inspirant de James Bond dans Opération Tonnerre et du Capitaine Kirk de Star Trek, des héros qui disposaient d’avions à propulsion humaine. Les engins de Panamarenko sont propulsés par la force de l’homme et maintenus dans les airs à l’aide d’éléments d’impulsion portés sur le dos. Le Moteur-pastille en est également dérivé. Ces travaux symbolisent la quête par l’artiste d’une véritable symbiose entre l’Homme et la nature.

 

Le Tigre Volant appelé Cigare Volant (1978) est un modèle particulièrement singulier. Ce vaisseau spatial peut se mouvoir en dehors de l’atmosphère et puise son énergie dans l’action des champs magnétiques. Le titre (Flying Tiger) renvoie à la fois à l’ufologie classique et au surnom de l’American Volunteer Group, une équipe de pilotes de chasse active en Asie du Sud et en Chine en 1941 et 1942, juste après l’attaque de Pearl Harbor. 

 

L’un des modèles les plus célèbres de Panamarenko, l’Aeromodeller, est son premier aéronef créé entre 1969 et 1971. L’immense vaisseau a été exposé en 1972 au salon Documenta V de Kassel. Le dirigeable incarne le rêve de l’artiste de pouvoir se déplacer librement et à tout moment dans les airs. Il le considère comme une maison flottant sur les nuages. En 1971, Panamarenko essaie de tester la navigabilité du dirigeable en décollant du pré de Jef Geys à Balen, près d’Anvers. Le vol d’essai a pour but d’atteindre Sonsbeek, une commune des Pays-Bas située à environ 130 km de là. La police aéronautique néerlandaise interdit le vol. Un début de tempête soufflant sur le pré met tout bonnement fin à la tentative de décollage.